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Quand les énergies renouvelables sont compétitives

Sur les milliards d’euros qu’Enel Green Power investit actuellement dans la production d’énergies propres, 75 % sont dirigés vers des marchés où ces énergies sont déjà rentables sans soutiens publics. » Pour Paolo Frankl, chargé des énergies renouvelables (ENR) à l’Agence internationale de l’énergie, la compétitivité des ENR ne manque pas d’exemples. Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui a publié hier son estimation du potentiel des énergies propres, développe ce constat méconnu. « Le coût global des énergies renouvelables est actuellement supérieur aux prix des énergies conventionnelles, mais, dans certaines conditions, il est déjà compétitif », écrivent les experts. 

Pendant que le débat patauge sur la possibilité de se passer totalement des énergies polluantes, après les catastrophes du golfe du Mexique ou de Fukushima, puis les décisions antinucléaires suisse et allemande, les ENR s’imposent discrètement sur le marché. Ou plutôt les marchés, constitués de 4 grands segments : l’électricité, la chaleur, le marché de gros et celui des utilisateurs. L’hydroélectricité, rentable depuis longtemps dans les exploitations existantes, reste un choix toujours moins cher que les hydrocarbures, dans les pays qui conservent de beaux gisements, rappelle Bernard Chabot de l’association négaWatt. Les fermes éoliennes les mieux situées parviennent aussi à chatouiller les concurrents fossiles, notamment sur les marchés spot, sur lesquels les producteurs vendent leur méga wattheure la veille de leur livraison à des courtiers ou des industriels. Plus ponctuellement, l’électricité d’origine géothermique ou la biomasse tirent aussi leur épingle du jeu.

Même la plus onéreuse de ces technologies, le photovoltaïque (PV), devient réaliste sur le marché des particuliers. Economiste de l’énergie chez Greenpeace, Sven Teske a participé au rapport du Giec. Pour lui, les données du rapport qui datent de plus de deux ans sont déjà dépassées : « L’an prochain, le coût du photovoltaïque atteindra les 20 centimes d’euro du kilowattheure en Allemagne. C’est le prix que payent beaucoup de personnes auprès de leur fournisseur. Ils vont bientôt avoir intérêt à produire localement plutôt que de dépendre uniquement du réseau. » Il y a quelques jours, c’est GE qui promettait avec sa technologie un kilowattheure solaire de 10 centimes de dollar d’ici 3 à 5 ans, confirmant que dans certains Etats américains la technologie est déjà crédible. 

Dans une publication l’an dernier, l’économiste John O. Blackburn, de la Duke University, allait plus loin encore : pour lui, l’année 2010 a représenté un tournant historique car les coûts de production du solaire et du nucléaire se sont croisés, autour de 0,16 dollar par Kilowatt heure. Mark Cooper, du Vermont Law School’s Institute for Energy and Environment, confirme que le coût des énergies renouvelables ne cesse de baisser tandis que celui du nucléaire est stable, voire en augmentation depuis huit ans. Ces calculs sont contestables, tant le chiffrage du coût global de l’atome reste sujet à débats. Mais ils écornent l’image d’un nucléaire bon marché et d’un solaire hors de portée.

Technologie en progrès

Plusieurs phénomènes expliquent l’accélération des ENR. La technologie ne cesse de progresser plus vite que prévu : rendement des cellules, diamètre des pales d’éolienne, efficacité des échangeurs de chaleur… En parallèle, les prix s’effondrent, explique Arnaud Chaperon, directeur électricité et nouvelles énergies de Total. La concurrence par les fournisseurs asiatiques des spécialistes européens a provoqué une forte augmentation des capacités industrielles. La crise, elle, a fait chuter la demande et le prix des équipements.  « On commence à voir des panneaux solaires à moins d’un euro le watt,  les prix ne remonteront pas », pense Arnaud Chaperon.

Les experts préviennent toutefois que cette baisse du coût global ne suffira pas à bouleverser le marché.  Comme le rappelle Sven Teske, ces sources exigent des investissements de départ plus lourds que ne peuvent pas fournir de nombreux utilisateurs, pour qui il reste plus facile de payer un carburant au jour le jour, même si le coût global est supérieur. « Une centrale thermique à cycle combiné implique d’investir deux fois moins qu’un barrage et jusqu’à trois fois moins qu’en éolien, ou quatre fois moins qu’en PV », insiste Bernard Chabot. Arnaud Chaperon ne se fait pas d’illusions non plus sur les freins qui ne manqueront pas de se lever partout quand les ENR décolleront pour de bon.

MATTHIEU QUIRET – Les Echos

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