Solaire : l’annulation des contrats plonge la filière dans la confusion
Le gouvernement a annulé une grande partie des dossiers de demande d’achats d’électricité solaire déposés aux mois de novembre et décembre.
Les professionnels s’interrogent sur la légalité de ces mesures.
La filière solaire est en train de se transformer en mine d’or pour les avocats. Depuis la publication le 14 janvier de nouveaux tarifs d’achats de l’électricité photovoltaïque par EDF, les professionnels s’interrogent sur la légalité des dispositions prises par le gouvernement. « Nous sommes submergés de demandes d’éclaircissement », explique Arnaud Mine, le président de la commission photovoltaïque du Syndicat des énergies renouvelables (SER). « On est dans un flou artistique total et les administrations ne nous donnent pas de réponse », indique Damien Vigneron de Solabios.
Pourquoi une telle confusion ?
Dans un communiqué du 13 janvier, le ministre de l’Energie et de l’Ecologie a indiqué que les demandes d’achats formulées « à partir du 1er novembre et n’ayant pas fait d’une demande complète de raccordement au réseau public le 11 janvier 2010 devront faire l’objet d’une nouvelle demande d’achat de l’électricité aux nouvelles conditions tarifaires ». Cette disposition vise à écarter les dossiers purement spéculatifs déposés par milliers en fin d’année. Seul souci : elle n’est pas reprise dans l’arrêté publié le 14 janvier.
Depuis, les avocats s’en donnent à cœur joie. Certaines soulignent qu’un communiqué de presse peut avoir une « valeur juridique ». D’autres qu’il peut faire office de « doctrine administrative », autrement dit servir d’explication de texte à l’arrêté en vigueur. Pour les professionnels, la question est d’importance. Entre les nouveaux et les anciens tarifs, la baisse peut atteindre jusqu’à 30%.
Vague de contentieux
Pour l’instant, le ministère a une stratégie assez simple pour bloquer les projets spéculatifs. EDF OA, l’agence qui gère les contacts d’achats d’électricité solaire, a reçu pour instruction de ne pas donner suite aux dossiers déposés en novembre et décembre s’il n’était pas suivi d’une demande de raccordement au 11 janvier. Le ministère prévoit néanmoins de publier un arrêté ou un décret dans les prochaines semaines pour clarifier les choses. « Les acteurs de la filière ont besoins de consolider leur situation juridique pour discuter avec les banques », reconnaît-on au ministère. Mais cette publication ne mettra pas fin au débat. « Une loi peut être rétroactive, mais cette caractéristique est discutable pour un arrêté », explique Jean-Eric Boiron, avocat chez Landwell & Associés. « Quand vous demander aux professionnels de redéposer une demande d’achat, cela n’a pas de caractère rétroactif », réplique-t-on au ministère. Pas questions non plus de laisser passer les projets qui disposent d’un titre d’urbanisme (permis de construire, autorisation du maire…) comme le demandent les professionnels.
Dans ce contexte, beaucoup s’attendent à une vague de contentieux. Déçue, la filière affiche un certain ressentiment vis-à-vis du SER, accusé de ne pas avoir assez bien défendu ses intérêts. Elle s’inquiète aussi de la dégradation de son image. « L’Etat a abimé notre réputation auprès des banques et des assurances », soupire Nicolas Thevenin, du bureau d’étude Solais.
Source : Emmanuel GRASLAND, LES ECHOS